dimanche 18 septembre 2011

Analyse médicale : Dr House, épisode 1 s1. Les symptômes de Rebecca Adler - Everybody lies


Résumé

Cas médical. Une enseignante victime d'une crise d'aphasie, de convulsion et de perte de connaissance.
Évolution : allergie au gadolinium lors de l'examen à l'IRM. Amélioration puis état dégradé après la prise de corticoïdes. Aucun signe de Tumeur. La patiente mange du jambon.
Diagnostic : neurocycticercose, due à l'infection via viande de porc contaminée à la Taenia Solium. Traitement à l'Albendazol.

Fiction/réalité : les petites erreurs de la série.
  • Les examens sont faits par l'équipe et non par des techniciens spécialisés.
  • La patiente a subit une radiothérapie sans confirmation d'un diagnostic tumoral, ou au moins, de l'endroit ou une tumeur pourrait se trouver.
  • Elle subit également un traitement aux corticoïdes sans réelle justification.
  • Après une allergie au gadolinium, l'IRM n'est pas repassée avec un autre produit de contraste.
  • Bien entendu, les visites, même à caractère médical, chez le patient, sauf exception, se font avec son accord...
  • Le diagnostic repose sur un coup du sort (trouver du jambon non terminé chez la patiente) et une idée à priori incongrue. Sa démonstration par la recherche de larves dans la cuisse est également très aléatoire...

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Introduction


La désormais célèbre série médicale peint la recherche d'un diagnostic d'une équipe de médecin dirigée par le Dr House (incarné par Hugh Laurie), personnage blessé, physiquement et mentalement, mais considéré comme l'un des meilleurs diagnosticiens des États-Unis. Chaque épisode, en majorité, se construit et s'axe sur la méthodologie, les hypothèses, les inductions et conclusions qui vont permettre à l'équipe d'identifier le trouble d'un patient admis à l'Hôpital Fictif de Plainsboro, et victime d'une pathologie encore inconnue.

L'épisode Pilote, bien qu'il ait pour principal intérêt de présenter les personnages, annonce tout de même d'emblée l'ambition de la série : débuter sur un mystère médical à partir duquel l'équipe du Dr House va échafauder les hypothèses et théories diverses, investir l'historique du patient, de son environnement et de ses proches, dans une véritable enquête médicale (et parfois "para-médicale") façon Sherlock Holmes M. D.

Dans cet épisode, l'équipe se met en place et construit son premier diagnostic sur le cas d'une institutrice, victime d'une aphasie et d'une perte de connaissance durant un cours qu'elle donne à la maternelle.

L'institutrice Rebecca Adler a 29 ans, ce qui constitue en soi une source d'étonnement concernant des symptômes aussi graves. Gregory House l'évoquera en rappelant que la patiente a 29 ans : quoi qu'elle ait, ce sera une pathologie rare.

Un raccourci un peu rapide mais néanmoins proche de la réalité : de tels symptômes ne sont pas rares à un âge avancé, mais beaucoup moins fréquents chez un jeune adulte.


Évolution du cas et de l’enquête.

Rebecca Adler présente les symptômes suivants, avant l'admission :
- aphasie (type "de production")
- perte de l'équilibre et de connaissance
- convulsions (plus tard, cohérent avec une mini-crise épileptique)

Dans un cas comme celui-ci, la première suspicion concerne bien évidemment le cerveau. Le Dr James Wilson évoquera une pathologie d'origine tumorale au cerveau, pouvant expliquer ces troubles. Mais plusieurs faits semblent le contredire, de son propre aveu : pas de marqueurs tumoraux (pour les 3 cancers cérébraux les plus courants, on présumera qu'il s'agit de la série Méningiome - Astrocytome - Glioblastome[1]), pas d'antécédents ou de facteurs familiaux, et pas de réponse à la radiothérapie (!).

Il y'a là un premier point discutable : sans avoir la certitude d'une tumeur, peu de médecins préconiserait à ce stade une radiothérapie, qui est une pratique relativement agressive.

A partir de ces points et d'un scanner cérébral montrant une lésion au niveau du thalamus (vraisemblablement une lésion causée par inflammation), l'équipe va proposer plusieurs diagnostics :
- Chase évoque des accidents ischémiques (AVC tel que rupture d'anévrysme ou embolie) : cohérent avec les symptômes.
- Cameron évoque une maladie auto-immune ou un Creutzfeldt-Jakob, deux pathologies pouvant être cohérentes mais qui présenteraient certainement d'autres symptômes. c'est aller chercher un peu en dehors des sentiers battus une explication sans avoir vérifié les plus plausibles auparavant.
- Foreman, curieusement (car neurologue) propose une encéphalopathie de Wernicke (généralement, déficience en thiamine), cohérente avec les troubles moteurs mais en l'absence de trouble de la mémoire, plutôt improbable. House précise que la thiamine est normale.

House commande une IRM pour recueillir plus d'information. Malheureusement, Rebecca est allergique au gadolinium.

Directement injecté par voie intra-veineuse, on peut s'étonner que le gadolinium provoque la réaction si longtemps après l'injection.

La patiente fait un choc anaphylactique avec œdème (assez rare avec les agents de contraste, de l'ordre de 1 à 4 pour 10 000), est normalement traitée à l'épinéphrine et subit une trachéotomie (dont elle se remet par ailleurs et étonnamment, très rapidement).

Néanmoins, il existe d'autres produits de contraste utilisables (Spion et uspion à base ferreuse) et l'IRM n'aurait pas nécessairement dû être annulée, mais reconduite plus tard...

House décide de placer la patiente sous corticoïdes (prednisone, peu utilisée en France dans un cas de ce type) pour réduire l'inflammation, songeant alors à une vascularite cérébrale (rare et principalement due à une maladie auto-immune, et moins souvent, à un facteur toxique). Les corticoïdes ne sont généralement pas prescrits à la légère, compte-tenu des effets indésirables, néanmoins, l'état de la patiente s'en trouve amélioré momentanément.

Puis il s'aggrave, avec une nouvelle crise lors de laquelle Rebecca prend conscience d'être devenue aveugle, puis convulse à nouveau, tachycarde avant que son cœur ne s'arrête de battre. Placée sous assistance respiratoire et cardiaque, Rebecca ne peut plus placer 4 images racontant une histoire dans un ordre correct. Ces deux symptômes cérébraux devraient normalement suggérer une atteinte des lobes frontaux (organisation) et occipitaux (vision), donc un atteinte plutôt générale, par intermittence (la patiente retrouve la vue et réorganise les images correctement par la suite), ou encore, une atteinte des voies sous-corticales, hypothèse que Foreman privilégie (progression du trouble dans le tronc cérébral).

House décide alors d'attendre et d'observer l'évolution du trouble, se basant sur l'idée selon laquelle les trois théories (vascularite, tumeur, infection) possèdent un calendrier relativement précis (House dit : "on va la regarder mourir et plus précisément, on va regarder à quelle vitesse elle meure").

Ce type de décision poserait quelques problèmes éthiques avec un vrai patient...

L'état de la patiente se dégrade finalement assez vite (elle ne peut plus marcher), House exclue donc le diagnostic de tumeur. Après discussion avec Foreman, qui évoque la présence de jambon au domicile de Rebecca, House propose le diagnostic de neurocysticercose, cohérent avec les éléments mais plutôt rare dans les pays occidentaux (mais très fréquent dans les pays en voie de développement : près de 2 milliards de personnes infectées).

Wilson s'élève contre ce diagnostic, prétextant que l'éosinophilie de la patiente est normale. Or, si les vers parasitaires sont effectivement les seuls parasites (par opposition aux protozoaires) susceptibles de provoquer une hyperéosinophilie, ce n'est pas forcément le cas lorsque l'infection est ancienne (ce qu'avait suggéré House peu auparavant). On apprendra plu tard que l'infection remonte à plus de 6 ans.

Toutefois, reste à démontrer la présence du ver. La patiente ne souhaite plus être cobaye de traitement sans "preuve". Si l'équipe avait choisi de refaire un IRM avec un autre produit de contraste, il est possible que le ver eut été trouvé... Néanmoins, Chase suggère une autre méthode, la radiographie. Selon House, le ver à la même densité que le LCR, on ne le verrait donc pas sur une radio du cerveau, mais plus certainement dans la cuisse, où les larves se logeraient préférentiellement (en fait, c'est bel et bien dans le cerveau, à 60% des cas, qu'elle se loge préférentiellement). Les larves se logent principalement dans le cerveau, aux alentours de l’œil ou dans les tissus sous-cutanés.

Si l'idée est bonne, elle reste aléatoire puisque la patiente pourrait être infecté au cerveau sans l'être dans d'autres organes... Un peu de chance a permis à l'équipe de prouver son diagnostic, puisqu'un ver est effectivement présent dans la cuisse. Rebecca Adler souffre donc de neurocysticercose.

On peut remarquer que les antécédents médicaux auraient peut-être dû préciser que la patiente avait eu un ténia auparavant (la pathologie ayant peut-être été prise en charge). Possible et probable mais pas obligatoire.

Diagnostic et traitement

La cysticercose est la plus fréquente des pathologies parasitaires, due à l'ingestion de viande de porc contaminé (de plus en plus rare dans les pays occidentaux, sous la conjugaison du contrôle de l'élevage, du contrôle vétérinaire, de la cuisson ou de la congélation correcte des denrées).

Le Dr House via Chase, prescrit un anthelminthique, l'albendazol, deux comprimés à prendre entre les repas. Les anthelminthiques sont effectivement les traitements appropriés en telle circonstances.

En conclusion

Cet épisode, très intéressant pose les bases de la série comme s'inspirant de pathologies réelles, principalement présentées sous formes atypiques ou rares. Plusieurs points que l'on retrouvera plus tard, assez incroyables ou insolites, sont d'ores et déjà présentés, qui relèvent de la fiction davantage que de la réalité :
  • Rapidité et exhaustivité des examens : House commande beaucoup d'examens parfois très onéreux sans réelle justification. En réalité, les examens sont commandés sur la base d'hypothèses concrètes et justifiées, et durent beaucoup plus longtemps que dans la série (on attend un IRM pendant plusieurs jours, les cultures prennent du temps, etc...)
  • L'équipe de médecins se retrouve aux commandes lors des examens ou des analyses - or, les diagnosticiens passent généralement la commande de ses examens et analyses, dont s'occupent des techniciens spécialisés, des radiologues, des analystes.
  • Justifications absentes et traitements agressifs : on remarque que le Dr House ne ménage que peu ses patients,non seulement sur le plan humain mais également sur le plan médical : examens invasifs, traitements agressifs à fort potentiel d'effet secondaire (comme les corticoïdes). Généralement, non seulement il faudra une bonne justification à un traitement agressif (et pas de solution de substitution), mais en plus, on essaiera avant ces traitements, d'autres approches et traitements moins dangereux pour le patient.
De plus, on remarquera que la logique du médecin laisse à désirer, et que son diagnostic final, ainsi que la démonstration de celui-ci, sont fondés sur un coup du hasard incroyable et sorti de (quasi) nulle part, d'autant qu'aux Etats-unis, le cysticercose devient de plus en plus rare... La méthodologie relativement aléatoire du médecin semble reposer, pour cet épisode, davantage sur la chance que la compétence.

[1] Desbrosses S. (2008) Type de tumeurs cérébrales. Psychoweb.fr

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